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DOSSIER MEDICAL PERSONNEL

Dominique Coudreau : « Nous ne nous embarquerons pas dans des opérations insensées »

mercredi 23 mars 2005

Le DMP sera mis en place en 2007, comme l’a annoncé le gouvernement lors du vote de la loi sur l’assurance-maladie, l’été dernier. Certains en doutent fortement, comme certaines associations de patients, mais Xavier Bertrand, au MEDEC, a voulu rassurer tout le monde : il n’y aura aucun retard, a annoncé le secrétaire d’Etat à l’Assurance-maladie, dans la mise en place de cette réforme, susceptible de faire économiser 3,5 milliards d’euros par an, à partir de 2007. Un calendrier que confirme de son côté Dominique Coudreau, qui a été nommé à la tête du Groupement d’intérêt public chargé de mettre au point l’organisation et le programme de déploiement du DMP. Il reconnaît cependant toute la difficulté de l’entreprise et la complexité du dossier.

Nommé à la tête du Groupement d’intérêt public chargé de mettre au point l’organisation et le programme de déploiement du dossier médical personnel (DMP), Dominique Coudreau présente les grandes lignes de son projet. Conscient de la complexité de l’entreprise, il se montre néanmoins optimiste quant à l’engagement des médecins dans le dispositif et au respect du calendrier fixé par la loi. L’industrialisation du DMP doit être effective en 2007, confie-t-il.

LE QUOTIDIEN - Le gouvernement a signé la convention constitutive du Groupement d’intérêt public (GIP) chargé de piloter la mise en place du dossier médical personnel. Cela marque-t-il le début officiel du chantier DMP ?

DOMINIQUE COUDREAU - Cette convention est importante, puisqu’elle crée officiellement le groupement d’intérêt public et lui donne une base opérationnelle. Ce GIP, composé de représentants de l’Etat, de la Cnam [Caisse nationale d’assurance-maladie] et de la Caisse des dépôts, est dit « de préfiguration ». Cela signifie que, s’il marche, on le gardera, sinon, on en changera. Il est constitué d’un comité d’administration dont Pierre Bivas est le président et d’un comité d’orientation dont j’assure la présidence. Concrètement, j’ai la responsabilité politique du projet, Pierre Bivas a la responsabilité technique et opérationnelle. La signature de cette convention est un immense soulagement. Nous l’attendions depuis notre nomination à la mi-janvier. Un premier obstacle est levé.

Il en reste beaucoup d’autres. De nombreux décrets, dont ceux sur les hébergeurs du DMP et sur l’identifiant santé, par exemple, sont programmés de longue date et ne sont toujours pas parus.

Le chemin critique, c’est le lancement des opérations de préfiguration qui devraient se faire avec les mêmes acteurs opérationnels que les chantiers définitifs. Cela suppose que l’on ait arrêté l’ensemble des options techniques, ce qui va nous prendre quelques semaines. Nous rencontrons tous les acteurs du dossier. Les professionnels de santé sont tout à fait favorables au dossier médical. Naturellement, chacun y met des conditions. Certains demandent une rémunération pour le travail effectué dans le cadre du DMP, ce qui me semble parfaitement explicable.

Tout le monde s’accorde à reconnaître l’utilité d’un dossier médical, mais aussi l’ampleur de la tâche qui vous incombe.

Le défi consiste à passer de l’artisanat d’art à l’industrie. Ce n’est pas simple car beaucoup d’options techniques s’offrent à nous. Les consortiums qui vont monter les hébergeurs expliquent que, pour construire un tel système, on raisonne en termes de mois. Cela signifie que l’industrialisation du dossier médical est compatible avec le calendrier imposé par la loi : mi-2007.

L’échéance est très proche. Vous semble-t-elle réaliste, alors que l’Angleterre et les Etats-Unis se sont donnés sept à dix ans pour créer leur DMP ?

Tout dépend de ce dont on parle. Il est indispensable que l’on ait mis en place de façon irréversible l’industrialisation du DMP pour le début de 2007. C’est-à-dire qu’il faudra savoir comment va marcher le dossier médical, quel sera son contenu mais aussi son utilisation. Le projet devra techniquement répondre à ces décisions de principe. Cela pose, bien sûr, des problèmes juridiques et de sécurité importants, et nécessite des outils informatiques raffinés. Je pense que nous avons les moyens de remplir cet objectif.

Soyons toutefois réalistes. Le dossier médical n’a d’intérêt que s’il est utile aux patients et aux professionnels de santé. Son objectif est d’améliorer la qualité des soins. Cela prendra du temps et demandera un changement de comportement qui ne peut pas s’effectuer du jour au lendemain. Un travail de pédagogie et de réflexion est nécessaire. Lorsque l’outil technique sera opérationnel, une dynamique prendra forme. Je ne sais pas si l’on s’inscrit dans les calendriers anglais ou américains, pays qui sont partis de rien. De notre côté, nous avons informatisé depuis longtemps le recueil des données médicales, des prescriptions et des consultations des médecins.

La France ne part pas de rien, mais beaucoup d’établissements hospitaliers - 5 %, selon un récent rapport parlementaire sur les nouvelles technologies - et de médecins libéraux ne disposent toujours pas d’un dossier informatisé. N’est-ce pas un lourd handicap ?

Vous mettez le doigt sur le problème le plus redoutable. Avec l’hôpital, il nous faudra être pragmatique et avancer progressivement. Les médecins, dans leur majorité, ont une informatique de gestion. Cela ne signifie pas qu’ils utilisent l’informatique pour le dossier médical proprement dit, mais ils ont déjà la culture de l’outil, le savoir-faire. Si la dynamique se crée avec éventuellement un accompagnement économique, je pense que le DMP va monter en charge.

Le lancement du dossier médical va demander un investissement important. Avez-vous estimé le montant de cette mise de départ et qui devra la prendre en charge ?

Les estimations réalisées lors du séminaire de Roissy évoquent un coût annuel de 500 à 600 millions d’euros. Je ne prends pas position sur le fond. C’est un travail que je veux mener personnellement avec l’équipe technique et le comité d’orientation. Notre religion n’est pas faite sur le sujet car des ordres de grandeur très importants existent entre les propositions des industriels. Quant à la prise en charge du dispositif, il n’y a pas d’ambiguïté sur les principes. Tout cela sera payé par l’assurance-maladie.

Sous quelle forme ? Avec des aides à l’investissement ou éventuellement une rémunération pour l’utilisation du dossier quand des professionnels de santé le rempliront, pour un résumé de synthèse, par exemple. Tout cela est à mettre au point mais ne me paraît pas trop compliqué. Il faudra une mise de fonds initiale, certes, mais nous obtiendrons des évolutions de comportements en atteignant une masse critique de dossiers. Pour autant, restons très vigilants sur les économies attendues. Dans toute ma carrière, j’ai eu à traiter des dossiers financiers. Je serai extrêmement vigilant de façon que l’on n’engage pas des sommes inconsidérées dans une opération qui n’aurait pas de retour sur investissement.

Beaucoup d’industriels se constituent en consortiums dans le dessein de se voir attribuer l’un des six sites pilotes opérationnels en septembre 2005. Combien seront élus ?

A ce stade, certains parlent de trois ou cinq élus. De toute façon, la concurrence est nécessaire, mais elle ne doit pas être sauvage. Attention, dans cette affaire-là, on joue dans la cour des grands. Les industriels hébergeront plusieurs millions de dossiers. Pour être franc, moins on aura d’hébergeurs, mieux ce sera. Trois me paraît être un bon chiffre.

Vous devrez également répondre aux associations de patients et aux médecins qui redoutent la mise en place d’un « casier sanitaire ».

C’est la priorité numéro un. Il vaut mieux ne rien faire si l’on n’est pas capable d’assurer la sécurité et la confidentialité des données médicales, soyons clairs. On revient à la base des règles médicales : primum non nocere, d’abord ne pas nuire. Des associations d’usagers sont représentées dans le comité d’orientation. Le dispositif juridique fera l’objet de concertations et sera vérifié par les autorités administratives les plus qualifiées. Nous ne nous embarquerons pas dans des opérations insensées.

> PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE GATTUSO


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