Quarante-et-unième Promotion du CNESSS

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Entretien avec Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française (FNMF)

"Un risque de renchérissement considérable des soins"

vendredi 25 février 2005


La mutualité française, que vous présidez, continue-t-elle à soutenir le dispositif du médecin traitant critiqué par une partie des médecins généralistes ?

Bien sûr. Nous n’avons jamais caché que nous étions favorables à ce dispositif, qui est au cœur de la réforme de l’assurance-maladie. Nous sommes persuadés que la réorganisation et la régulation de notre système de santé passent par l’organisation de l’offre de soins de médecine de ville. J’observe d’ailleurs que tous les grands pays développés ont suivi ce chemin et que la France est l’un des derniers à l’emprunter.

L’amélioration de la qualité, de la continuité et de la permanence de notre système suppose, à nos yeux, un recours accru au travail en équipe. Pour nous, l’exercice traditionnel de la médecine de ville a atteint ses limites. Il nous paraît raisonnable d’envisager à l’avenir des démarches moins individuelles, pour les généralistes comme pour les spécialistes, qui ont choisi d’exercer en libéral.

Dans notre esprit, l’instauration du médecin traitant et du parcours de soins coordonné est de nature à contribuer à une meilleure organisation de la médecine de ville.

Vous avez participé activement aux consultations qui ont précédé la rédaction de la loi du 13 août 2004, mais sévèrement critiqué la convention médicale qui a suivi. Pourquoi ?

Contrairement à ce que nous étions en droit d’attendre, la convention médicale ne fait pas vivre la réforme. Elle a créé un maquis tarifaire dans lequel on peine à se retrouver et qui n’a pas prévu d’outil valorisant le dispositif du médecin traitant. Elle me semble davantage avoir été conçue pour répondre aux revendications de différentes catégories de médecins. Il aurait fallu, au contraire, valoriser de manière plus importante le parcours de soins coordonné. Cela supposait au minimum de traiter sur un même pied tous les médecins traitants, qu’ils soient généralistes ou spécialistes.

Où en êtes-vous des discussions avec les pouvoirs publics sur la définition de contrats complémentaires dits "responsables" ?

A vrai dire, les discussions ne sont pas encore véritablement engagées. Mais leur enjeu futur est clair : il s’agit, ni plus ni moins, du succès de la réforme. Il faut que le gouvernement sorte du flou et précise ses intentions. Il doit prendre, d’ici à la fin du mois de mars, un décret définissant les contours des contrats responsables.

S’il adopte un texte mi-chèvre mi-chou laissant la possibilité aux organismes complémentaires de prendre en charge une partie des dépassements d’honoraires hors parcours de soins, cela signifiera qu’il est décidé à brader la réforme.

Dans ce cas-là, changerez-vous d’attitude ?

Lors du dernier conseil d’administration de la Mutualité française, nous avons dit que nous étions prêts à prendre en charge les dépassements d’honoraires dans le cadre de la coordination des soins et que nous ne les rembourserions pas hors parcours de soins. Nous n’avons pas de raison, pour l’instant, de changer de position.

Mais les assureurs privés veulent, eux, pouvoir prendre en charge une partie des dépassements hors parcours de soins. Si elles jouent le jeu, les mutuelles ne risquent-elles pas d’être pénalisées face à des assureurs qui viendront démarcher leur clientèle ?

C’est un risque. C’est la raison pour laquelle je continue à penser qu’il faut mettre tous les partenaires - les professionnels de santé, l’assurance-maladie et les complémentaires - autour d’une table.

Nous prenons en charge, en moyenne, 40 % des dépenses de médecine de ville. Il n’est pas raisonnable de nous tenir à l’écart des discussions. Je sais que les partenaires sociaux membres du conseil de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam) n’ont pas fait ce choix. Mais c’est une faute sociale grave.

Pourquoi ?

Mais il faut bien organiser le système correctement. Une prise en charge systématique des dépassements d’honoraires par les complémentaires ne peut qu’aboutir à un résultat contre-productif. Le risque existe d’une course effrénée à la hausse des cotisations et des primes, et d’un renchérissement considérable des soins.

Faute de régulation et d’organisation du système, les Français ne pourront plus financer leurs complémentaires santé. Une partie croissante d’entre eux devra soit renoncer à se soigner, soit, si leur situation empire, basculer dans un système d’assistance. Ce n’est pas la politique que nous devons suivre.


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