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"La presse m’a surnommé le Chevalier blanc alors qu’en réalité, j’étais davantage un mouton noir".

Claude Frémont a démissionné de ses fonctions de Directeur de la CPAM de Nantes avant de publier un livre intitulé « Adieu Sécu ». « Le dernier coup de gueule d’un fort en gueule », selon ses propres mots.

"Face aux presque 150 milliards d’euros de dépense annuelle de santé, les fraudes des médecins ne représentent évidemment qu’une goutte dans le trou de la Sécu."

lundi 25 décembre 2006, par Jean-Pierre Vélicitat

Claude Frémont est né à Joué-sur-Erdre en Loire-Atlantique. Fils de boulanger, il sera professeur d’anglais quelque temps avant de démissionner dans le contexte des événements de mai 68. Il rejoint la sécurité sociale en 1975 et deviendra directeur de la Caisse Primaire d’Assurances Maladie de Nantes en 1989. L’année 1994 marque ses premières déclarations publiques sur les fraudeurs de la Sécu. Un combat qu’il a ensuite poursuivi et qui lui a valu dans la presse, des surnoms tels que le Chevalier blanc, Zorro ou Lucky Luke. Son livre "Adieu Sécu" a paru en octobre dernier.

Voir en ligne : Dans l’Internaute de Nantes

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

L’écriture de ce livre coïncide évidemment avec ma démission de la Sécurité sociale. Même si je me suis toujours accordé une grande liberté d’expression, ça m’a fait du bien de mettre par écrit un bilan de ces années passées à la CPAM de Nantes. J’ai voulu me remémorer sous forme anecdotique les cas les plus croustillants des onstatiez ? fraudes que j’ai pu déceler mais également établir mon constat sur le fonctionnement de l’assurance maladie et sur son avenir.

Pourquoi en 1994, avoir décidé de dénoncer les fraudes que vous constatiez ?

Lorsque je suis arrivé à la CPAM, on m’avait informé du mot d’ordre : chez nous, pas de vagues. Ce qui compte, c’est de rembourser aussi bien et rapidement que possible les assurés sociaux et de ne pas se mettre à dos les professionnels de la santé. Alors, pendant quelques années, j’ai vécu et travaillé comme il convenait. Et j’ai observé... Pour finalement prendre conscience de tous ces cas de fraudes que je pouvais déceler. J’en avais assez vu, je devais prendre la parole sur ce sujet.

Vous avez une âme de rebelle ?

Ce n’est pas dans les habitudes de cette institution de dénoncer la lutte contre la fraude. Pour prendre la parole sur ces sujets, il fallait aimer la bagarre et ne pas avoir peur d’être impopulaire. J’avoue aussi que je prenais un plaisir que certains pourraient qualifier de pervers à dénoncer les cas de fraudes. C’est d’ailleurs ce qu’on ma reproché. Déceler des fraudes, c’est une chose. En parler haut et fort et convoquer la presse pour le relater, c’en est une autre. Mais pour moi, le "faire savoir" possède une importante vertu pédagogique. Ca doit être une chose qui me reste de l’époque où j’étais professeur....

Vous êtes-vous senti soutenu dans votre combat ?

Non, je n’ai pas vraiment ce sentiment. Disons plutôt qu’on m’a laissé faire... J’ai reçu beaucoup de pressions. J’ai eu droit à de nombreuses manifestations en bas de ma fenêtre scandant "Frémont, démission !". La presse m’a surnommé le Chevalier blanc alors qu’en réalité, j’étais davantage un mouton noir.

Quelle part représentent les mauvaises pratiques de certains médecins libéraux dans le trou de la sécu ?

Face aux 150 milliards d’euros de dépense annuelle de santé, les fraudes des médecins ne représentent évidemment qu’une goutte dans le trou de la Sécu. Le problème majeur étant assez simple finalement : trop de dépenses pour pas assez de recettes.

Et quant aux responsabilités des industries pharmaceutiques ?

Les choses sont plus compliquées à ce niveau là. Si les industries pharmaceutiques créent de l’emploi et des richesses, elles mènent également des stratégies commerciales qui ne vont pas toujours dans le sens des malades. Le lobby des industries pharmaceutiques est considérable et tissé de réseaux mondiaux auxquels il n’est pas facile de s’attaquer, d’autant plus qu’en France, le système de santé est orienté sur le soin par le médicament.

"Adieu Sécu", c’est une perte totale d’espoir de votre part ?

J’ai démissionné parce que la Sécu, que j’ai essayé de servir, ressemble de moins en moins à l’idéal que je pouvais m’en faire. Je suis sceptique sur l’accumulation de toutes ces réformes. Comme je l’écris dans le livre, "ce n’est pas une réforme qu’il faut envisager mais une révolution", pacifique bien entendu... Aujourd’hui, soit la Nation est capable d’investir pour résoudre les problèmes de santé de la Sécu, soit, et on semble aller vers cela aujourd’hui, on s’oriente vers un privatisation du système avec le développement des complémentaires santé. Moi, je souhaite une assurance maladie solidaire, qui ne dépénalise pas les plus démunis d’entre nous.

Pourquoi ne pas expliquer cette révolution dans un livre prochain ?

C’est justement ce que j’ai commencé à écrire. J’aimerais appeler ce second livre "Bonjour santé". Je ne prétends pas sauver à moi tout seul la sécu mais si, par mes réflexions, je peux apporter une pierre à l’édifice et aider les politiques à traiter ce sujet...

Pourquoi ne pas vous engager vous-même en politique ?

Parce que c’est trop tard, j’ai 63 ans ! Si je pouvais revenir plus jeune et cumuler plusieurs vies, j’aimerais sûrement le faire...

Maintenant que vous avez quitté la CPAM, que faîtes-vous ?

Aujourd’hui, je réponds aux interviews et je me mets à l’écriture de ce second livre. Pour la suite, plutôt que de me réengager dans une structure, je pense avoir davantage envie de rester indépendant pour garder ma liberté d’expression. Tant qu’on voudra bien me lire ou m’écouter, je ne prendrai pas retraite...

P.-S.

Adieu Sécu, octobre 2006, 212 pages, 15 euros. Photo © Cherche Midi


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