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LEN : un rapport qui sème le trouble

jeudi 25 mars 2004, par Jean-Pierre Vélicitat

Une petite phrase du rapport sur le projet de loi sur la confiance dans l’économie numérique suggérerait le maintien de l’obligation de surveillance des contenus par les hébergeurs.

La ligue Odebi monte une nouvelle fois au créneau dans le cadre de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN ou loi Fontaine). Dans une lettre adressée aux parlementaires et à Nicole Fontaine, la ministre déléguée à l’Industrie et auteur du projet de loi, le groupement d’associations d’utilisateurs du Net fait part de son "grand étonnement quant au positionnement explicite adopté par la commission sur le rôle qui serait dévolu aux hébergeurs".

Un étonnement provoqué par l’obligation qui serait faite aux hébergeurs "d’évaluer le caractère illicite avant de décider du retrait ou du maintien du contenu dénoncé", selon le rapport de la commission des Affaires économiques du Sénat, dressé en vue du vote de la loi le 6 avril prochain. Pour Odebi, cette proposition impose clairement une responsabilité éditoriale aux hébergeurs. "Jamais il n’aura été aussi clairement demandé que l’intermédiaire se substitue à l’autorité judiciaire, juge et censure les contenus publiés sur le Net", lit-on dans le communiqué d’Odebi, qui demande donc à la ministre déléguée "de tenir compte de l’avis émis par le Forum des droits sur l’Internet le 6 février 2003, et, si besoin était, de se le faire confirmer par ledit organisme".

Retrait sur injonction judiciaire

Le Forum des droits sur Internet juge en effet que "la connaissance effective du caractère illicite d’une information ou d’une activité ne peut être acquise par l’hébergeur que sur saisine d’une autorité judiciaire". Autrement dit, seule une injonction judiciaire pourra obliger un hébergeur à retirer un contenu jugé illicite. "Il va sans dire que toute procédure de notification - fût-elle obligatoire - ne pourrait court-circuiter la décision d’une autorité judiciaire indépendante et impartiale", résume Odebi.

Pourtant, l’initiative du rapporteur du Sénat vise à lever l’ambiguïté de certains points introduits par les députés à l’occasion du passage de la LEN en seconde lecture à l’Assemblée. "Affirmer que le but admis de tout signalement de contenus est ’d’empêcher la diffusion ou la propagation d’une idée ou d’une opinion contraire aux lois et règlements en vigueur’ revient dans les faits à cautionner les initiatives visant à faire retirer tout contenu qui remettrait en cause une loi", écrivent les rapporteurs. Et ils ajoutent : "Il semble d’ailleurs impossible de connaître le but poursuivi par le dénonciateur et donc de prouver que son but est de nuire, ce qui rend difficilement applicable le dispositif de l’article.". En conséquence les rapporteurs proposent "d’instituer une procédure de notification que les utilisateurs seraient incités à suivre du fait qu’elle aura force probatoire devant le juge, dans la mesure où elle crée une présomption d’acquisition, par l’hébergeur, de la connaissance des faits litigieux."

Un choix politique

Les propositions des rapporteurs semblent donc aller, en partie, dans le sens défendu par Odebi, à savoir réserver la décision de l’illégalité d’un contenu à l’autorité judiciaire. Mais la petite phrase relevée par la Ligue d’associations ajoute une ambiguïté qui pourrait être exploitée de manière abusive. Odebi ne demande rien d’autre que de lever ce risque de confusion d’interprétation de la loi et en profite pour rappeler que l’Espagne et l’Italie ont transposé la directive européenne sur le commerce électronique en précisant clairement le rôle des instances judiciaires. "A notre connaissance, ces transpositions n’ont posé aucun problème à l’Union européenne : partant de là, accepter ou refuser le choix d’une privatisation de la justice sur Internet devient un choix politique à assumer seul devant les citoyens", concluent avec véhémence les animateurs de l’association.

Christophe Lagane

P.-S.

http://www.odebi.org/

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