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Pressions politiques à huis-clos

samedi 31 janvier 2004, par Réseau Voltaire

L’AGCS, arme économique de l’Empire

Les États-Unis, aidés de plusieurs entreprises multinationales, tentent d’imposer discrètement la modification d’un important accord commercial.

L’Accord général sur le commerce des services (AGCS) a pour objet la libéralisation totale de 160 secteurs d’activité, dont la santé (3 500 milliards de dollars à l’échelle mondiale) et l’éducation (2 000 milliards de dollars).

L’un des enjeux des discussions en cours est l’intégration de la filière énergétique dans l’AGCS. Les négociations sont conduites par Robert Zoellick pour les États-Unis et par Pascal Lamy pour l’Union européenne. Le premier est par ailleurs professeur de Sécurité nationale à l’École navale des États-Unis. Le second a collaboré avec la Rand Corporation, le think tank du lobby militaro-industriel états-unien, et avec l’East-West Institute, dont le président d’honneur est George Bush père. La finalité de l’AGCS est de rendre cet accord économique supérieur aux législations et réglementations nationales. Des responsables politiques commencent à s’inquiéter d’un système qui les déposséderait de leurs prérogatives. Malgré les demandes répétées des élus, ceux-ci n’ont toujours pas accès aux documents de négociation.


Après les communes de Vancouver, Toronto, Québec, Oxford, Melbourne et Vienne, le Conseil de Paris vient de déclarer sa ville « hors-AGCS ». Il s’agit d’un nouveau revers pour l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et, au-delà, pour l’Organisation mondiale du commerce au sein de laquelle se renégocie cet accord. Que contient l’AGCS pour amener des élus de plusieurs pays à s’opposer catégoriquement à son application ?


Du GATT à l’AGCS : vers la libéralisation totale de 160 secteurs de services

Huit cycles de négociations se succèdent, jusqu’en avril 1994, date à laquelle le GATT est remplacé par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Outre son statut d’organisation internationale reconnue, elle présente l’avantage de posséder un pouvoir coercitif, via son Organe de règlement des différents (ORD). En ratifiant la loi 94-1137, le 14 décembre 1994, le Parlement français reconnait la création de l’OMC et entérine les 28 textes annexés constituants les Accords de Marrakech. Parmi eux, le fameux Accord général sur le commerce des services.

L’AGCS concerne à lui seul 160 secteurs de services (aménagement urbain, recherche et développement, tourisme, services postaux, distribution, environnement, énergie, culture, éducation, santé, etc.). Les dépenses de santé mondiale représentent, selon l’OMC, 3 500 milliards de dollars, les dépenses liées à l’éducation 2 000 milliards de dollars.

A l’origine de l’AGCS se trouvent trois personnes, James Robinson III (Pdg d’American Express), Hank Greenberg (Pdg d’American International Group - AIG) et John Reed (Pdg de Citycorp) qui décident en 1979 qu’inclure les services dans les négociations du GATT serait du plus grand intérêt. Hank Greenberg ayant l’oreille du président James Carter, il leur suffit alors de convaincre le Congrès des États-Unis. Une campagne de lobbying bien orchestrée, doublée d’une campagne de presse digne des plus belles opérations psychologiques, y parvient. De sorte qu’en 1982, lors de la conférence ministérielle du GATT, l’ambassadeur américain William Brock déclare que les négociations sur les services sont une priorité pour les États-Unis. L’instrument principal de lobbying utilisé est l’US Coalition of Service Industries (USCSI) qui regroupe une soixantaine d’entreprises. Les lobbies d’affaires n’ayant pas obtenu entière satisfaction lors de la signature de l’AGCS en 1994, de nouvelles négociations (ou révisions) sont programmées jusqu’à son aboutissement final, la libéralisation totale des 160 secteurs de services. La première révision a démarré en février 2000 sous le nom « d’AGCS 2000 ».

Un accord sponsorisé par des multinationales

L’étendue des domaines à négocier se décide lors des conférences ministérielles qui doivent se tenir au moins tous les deux ans (Genève 1998, Seattle 1999, Doha 2001). La conférence ministérielle de 1999 a révélé qu’elles étaient en partie financées par des firmes multinationales. Un comité d’accueil pour Seattle, le Seattle Hosting Organisation (SHO) a été créé pour l’occasion. Les firmes privées se voient attribuer, suivant les montants versés, les titres de « sponsor de diamant » (150 000 à 200 000 $US), « d’émeraude » (au delà de 250 000 $US), etc. Sponsors d’émeraude en 1999 : Boeing, Microsoft, General Motors, Ford, Deloitte & Touche qui obtiennent tous un accès direct aux ministres. Les négociations proprement dites se déroulent au siège de l’OMC à Genève. En théorie les décisions y sont prises au consensus, mais dans la réalité, les pays regroupés au sein de la Quad (USA, Union européenne, Canada, Japon) parviennent généralement à imposer leur volonté.


Les documents interdits d’accès aux parlementaires

Cette intrusion de l’OMC dans les domaines législatifs et réglementaires de l’environnement, de l’éducation, de la santé ou encore de la culture inquiète un nombre grandissant d’élus. Malgré leurs demandes répétées, ceux-ci n’ont toujours pas accès aux documents de négociation. Selon les députés européens Caroline Lucas et Jean Lambert, un seul parlementaire de chaque groupe politique du Parlement européen est autorisé à consulter les documents confinés dans un local fermé à clé. Les députés n’ont pas le droit de prendre de notes ni de commenter ce qu’ils ont lu avec les autres élus.

Toutefois les méthodes de négociation ne sont pas le seul motif de polémique. Les parlementaires s’interrogent sur leur capacité future à légiférer. L’article 1 de l’AGCS stipule en effet : « Le présent accord s’applique aux mesures des membres qui affectent le commerce des services. Les mesures des membres s’entendent des mesures prises par des gouvernements et administrations centraux, régionaux ou locaux, et des organismes non gouvernementaux lorsqu’ils exercent des pouvoir délégués par des gouvernements ». Selon le secrétariat de l’OMC : « Le mot mesure est défini très largement dans l’AGCS et inclus les lois, les règlements, les décisions et même les pratiques non écrites ». Refusant la remise en cause de leur rôle, des élus ont lancé le 3 décembre à l’Assemblée nationale, un « appel pour la suspension des négociations sur les services au sein de l’OMC ». Au 1er mars cet appel à déjà recueilli 147 signatures.


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