Quarante-et-unième Promotion du CNESSS

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Homéopathie

L’homéopathie dispensée d’essais pharmacologiques

Le Monde du 18 septembre 2004

samedi 18 septembre 2004, par Sandrine Blanchard

SI L’HOMÉOPATHIE est une chimère ou un système sans valeur propre, elle tombera d’elle-même. Si elle est, au contraire, un progrès, elle se répandra malgré toutes nos mesures de préservation, et l’Académie doit le souhaiter avant tout autre, elle qui a la mission de faire la science et d’encourager les découvertes. » C’est ainsi qu’en... 1835, le ministre de Louis-Philippe, Louis Guizot, répondait à la toute jeune Académie de médecine qui réclamait, déjà, l’interdiction de l’homéopathie.

Le temps a passé mais le débat sur cette médecine dite « douce » a toujours été passionnel, et les académiciens n’ont jamais cessé de fustiger « cette méthode imaginée depuis deux siècles à partir d’a p riori conceptuels dénués de fondement scientifique » et de réclamer qu’elle soit soumise à la même réglementation que l’allopathie.

Inscrits à la pharmacopée française depuis 1965, une centaine de produits homéopathiques ont obtenu le droit d’être remboursés par la Sécurité sociale en 1984. L’arrêté est signé par la socialiste Georgina Dufoix, alors ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale. Mme Dufoix ne s’arrête pas là. Elle prévoit la création d’un établissement de santé expérimental sur les « médecines douces » et demande un essai en double aveugle pour évaluer l’action de deux médicaments homéopathiques (Opium et Raphanus) sur le rétablissement du transit intestinal.

Peine perdue. En 1986, son successeur, Michèle Barzach, annulera la création de l’établissement ; quant aux résultats de l’essai clinique, publiés en 1988 dans la revue médicale The Lancet, ils concluent à l’inefficacité de l’homéopathie dans la reprise du transit intestinal. Les homéopathes critiquent violemment cet essai, qu’ils jugent « indigne » de leur spécialité puisqu’il a consisté à donner le même médicament à 600 patients alors que l’un des « piliers » de l’homéopathie est la « personnalisation des symptômes ».

L’homéopathie est alors dans un « no man’s land », résume Charles Caulin, ancien président de la commission d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments, « puisqu’elle est impossible à évaluer ». Puis, en application d’une directive européenne de 1992, le gouvernement de Lionel Jospin publie, en janvier 1998, un décret relatif aux conditions de mise sur le marché des médicaments homéopathiques. Il dispose que, pour ces produits, « le demandeur est dispensé de produire tout ou partie des résultats des essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques lorsqu’il peut démontrer, par référence détaillée à la littérature publiée et reconnue dans la tradition de la médecine homéopathique française, que l’usage des souches homéopathiques le composant est bien établi et présente toutes garanties d’innocuité ».

Pour Charles Caulin, ce décret est « à faire dresser les cheveux sur la tête. C’est absurde de demander à une instance d’évaluation d’évaluer en fonction d’une « tradition » car c’est infiniment subjectif ». Ainsi, l’homéopathie échappe aux règles qui s’appliquent à l’allopathie. « On ne lui demande pas d’éléments d’efficacité clinique alors qu’ils représentent la pierre angulaire d’un dossier d’AMM », résume le professeur de thérapeutique Jean-François Bergmann. Quant à la commission de la transparence, elle ne travaille jamais sur l’homéopathie, précise son président, le professeur Gilles Bouvenot. Chargée depuis 1999 de réévaluer la pharmacopée française suivant le niveau de service médical rendu (SMR), la commission de la transparence a en effet tout passé en revue, sauf l’homéopathie.


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